ATTENTION livre + malchance + prof pas doué = danger || ft. Haine

Vendredi après-midi, agréable moment de détente après une longue semaine de cours ; je me rend à la bibliothèque, comme je le fais à chaque fois que mon emploi du temps le permet (ou que je me le permet malgré mon emploi du temps). J'ai prévu de me replonger dans mon passage préféré du roman de Danniel Pennac "Au bonheur des ogres". Je me faufile silencieusement entre les rayonnages. Je me pose sur une table et feuillette mon livre. P45, "Le type qui râle chez Lehmann a les épaules si larges qu'elles obstruent la porte d'entrée." Le personnage dont je vais prendre la place se nomme Malaussène, il travaille dans un grand magasin et, officieusement, est bouc émissaire. Lorsqu'un client porte plainte à cause d'un produit défectueux, il fait croire qu'il est celui qui gère le secteur du produit et se fait engueuler à tel point que les clients culpabilisent à fond et partent (presque) en courant.
 Les mots défilent sous mes yeux, je me concentre et sens le décors fondre autours de moi, je me sens fondre avec et me retrouve debout, dans le bureau de ce fameux Lehmann, en face du "mastodonte", à la place de Malaussène, prête à me prendre le savon du siècle :
-Le plein bois, c'est bien votre secteur, euh… Machine ?
Je hoche timidement la tête et mon bourreau enchaîne, ayant décidé de faire comme s'il n'était pas en train d'engueuler un gamine : les deux pieds de tête du lit de ce monsieur se sont cassés au premier usage…gnagnagna. Le client, stupéfait par mon apparence de gentille petite fille, reste cloué sur place. J'évoque la garantie, je me fais remballer… Le mastodonte bredouille que sa fiancée est donc à l'hôpital…
-J'ai fait ça ? Répétais-je par deux fois.
Je pense à quelque chose de triste tant et si bien que les larmes me montent aux yeux et, ayant les répliques du livres en tête, je sors un larmoyant :
-Comment s'appelait-elle ?
Bingo !!! Touché par mon numéro, M. Muscle se dégonfle d'un seul coup. La gamine en larmes que je suis l'attendrit.
Lehmann en profite pour me rentrer méchamment  dedans. J'annonce ma démission entre deux sanglots. Il ricane que ce serait trop facile. Je lui dit que je suis nulle et inutile, il saisit donc cette perche que je lui tends :
-La nullité, ça se paye, Machine !
Comme le reste ! PLUS que le reste !
Et il enfonce le clou : il va me renvoyer, me faire payer ma nullité si cher que ma famille sera endettée pour sept générations… Intérieurement je suis morte de rire, mais je réussi quand même à ne pas le montrer. Je continue ma comédie en pleurant à chaudes larmes et en évoquant mes parents, dans une situation financière difficile.  Mon bourreau s'acharne et … M. Muscle, menaçant, pose ses poings sur le bureau :
-Ça vous fais bicher de torturer cette enfant ?
J'esquisse un sourire qui passe inaperçu, heureusement pour moi car ça aurait fichu la scène en l'air, alors que j'adore ce moment ! Lehmann s'enfonce dans son siège, qu'il souhaiterait plus profond. Le mastodonte explique que, depuis tout petit, il ne supporte pas de voir les pingouins en costard s'attaquer à plus faible qu'eux. Voir une petite fille se faire engueuler à la place d'un adulte compétent le laisse pantois et il menace d'appeler "SOS enfance maltraitée".
-Alors, écoute moi bien, bonhomme !
Le bonhomme en question, Lehmann, se décompose. M. Muscle le prévient calmement (enfin presque) : il retire sa plainte et reviendra vérifier que j'ai repris une vie normale et qu'un adulte travaille à mon poste. Si Lehmann me traite toujours comme une crotte :
-Je te casse comme ça !
Ça c'est la jolie règle d'ébène de mon bourreau qui vient de péter net entre les doigts de mon sauveur. Voyant que son numéro d'intimidation a fait son effet, super mastodonte sort du bureau en claquant la porte si fort que la vitre se fissure.
Lehmann ne se ressaisi que lorsque ce client (très) mécontent est déjà loin et éclate de rire : arnaquer les clients avec Malaussène, ici Machine, il adore. Tant pis s'il n'a rien compris à la présence d'une fifille à la place de l'habituel bouc émissaire.
Je commence alors à me sentir nauséeuse, puis un violent malaise me saisit : je vais me faire éjecter du livre, déjà, les murs tournent autours de moi. Le retour est nettement moins agréable que l'allée. Je me sens tomber… Mon estomac fait du yoyo… et je m'écrase comme une mouche dans la bibliothèque. En fait, je n'ai pas bougée mais j'ai l'impression d'être passée sous les roues d'un camion… comme à chaque fois. Je ferme mon livre et me lève en titubant. Je suis encore plus mal que d'habitude : il faut que je m'allonge sur mon lit. Je zigzague entre les rayons, trébuche plusieurs fois. Je crois que je ne tiendrai pas debout jusqu'à ma chambre. J'aperçois Haine, mon professeur, en train de corriger des copies. Je marche sur mon lacet, m'emmêle les pieds, vacille jusqu'à la table de mon prof, et m'écrase sur ses copies. J'essaie de me relever, rouge de confusion, mais je ne réussi qu'à balbutier : "Je crois que j'ai besoin d'aller à l'infirmerie, vous pourriez m'aider, s'il vous plaît ?" C'est à ce moment que ma nausée me terrasse et je perd conscience.

Je me sens flotter entre deux mondes. J'entend vaguement quelqu'un s'exclamer au loin : "-Eeeeeeh nan Mayelli, faut pas faire le Kenny là, je fais quoi moi maintenant?". Je suis bien, je voudrais que le temps s'arrête, mais malheureusement, je me sens remonter à la surface et j'émerge avec difficultés.
Mes oreilles bourdonnent tellement fort que je n'entend presque rien et ma tête me fait tellement mal que j'ai l'impression qu'elle va exploser ! J'ai toujours la nausée, à laquelle s'ajoute des frissons. Je ne m'étais que rarement sentie aussi mal en sortant d'un livre. La dernière fois il m'a fallut attendre le lendemain pour tenir à nouveau debout. Je tourne la tête et observe la personne qui se trouve devant moi. Un type long avec des cheveux noirs qui a l'air affolé. Il me rappelle vaguement quelque chose mais mon cerveau et encore très embrumé et je n'arrive pas à mettre un nom sur son visage. Je le fixe intensément pendant un temps indéterminable : il a vraiment l'air de stresser comme un fou. Une petite lumière s'allume alors dans ma tête : c'est Haine, mon professeur de je sais plus trop quoi (ça me reviendra sûrement d'ici quelques minutes). Je me rend alors compte que je suis étalée sur ses copies, dont un certaine partie se trouve désormais par terre, probablement à cause de mon atterrissage fracassant sur la table. Je décide qu'il serait peut-être temps pour moi de m'éclipser avec tact, histoire de ne pas me faire punir pour "crime de lèse-copies". Je tente de me relever : mes bras tremblent sous mon poids, mais je me stabilise en restant accrochée à la table. Je me lâche, fais un  pas et me retrouve "les quatre fer en l'air".
Bon, récapitulons calmement :
-j'ai encore et toujours atrocement mal à la tête mais j'ai recouvré la mémoire.
-j'ai une terrible nausée mais je n'ai vomi sur personne (pour le moment).
-je me suis écrasée sur la table de mon professeur et j'ai abîmé ses copies.
-je suis dans l'incapacité total de tenir debout plus d'un quart de nano-seconde.
 Conclusion : je suis en mauvaise posture.
Solutions possible :
-appeler une ambulance.
-hurler "au-secours"
-retomber dans les pommes jusqu'à ce que tout s'arrange.
-demander à Haine de me conduire à l'infirmerie.
J'hésite beaucoup entre les deux dernières possibilités avant d'opter pour l'infirmerie. Je n'ai plus qu'à espérer que le professeur sera capable de m'y emmener sans mourir. Je croise les doigts et me lance :
-Pourriez-vous me conduire à l'infirmerie, s'il vous plaît ? Je ne suis pas vraiment en état de m'y rendre seule.

-Bonne idée, souffla-t-il, tu y sera mieux qu'ici de toute manière..."
Et il esquissa un sourire, ce qui ne me rassura qu'à moitié. Depuis que j'avais repris mes esprits, ma nausée se faisait de plus en plus violente, de même que la douleur lancinante qui me déchirait la tête. Heureusement, Haine se décide à me soulever, pour me porter jusqu'à l'infirmerie. Je me laisse faire, espérant qu'il se dépêcherai et que l'infirmière saurai quoi faire pour me remettre d'aplomb.
Les couloirs sont déserts, ce qui n'est pas étonnant pour un vendredi après midi, pendant les heures de cours. Pour une fois, j'envie presque les élèves qui sont encore en train de travailler, alors que j'ai déjà fini : eux, au moins, il sont dans un état acceptable et ils tiennent debout. Tandis que moi, je suis à demi inconsciente dans les bras de mon professeur : je donnerai n'importe quoi pour me sentir mieux. C'est alors que la voix de Haine vient troubler le fil de mes pensées :
-Tashiku... Si tu es dans un tel état, pourquoi tu étais dans la bibliothèque...? Tu aurait dû être chez toi tu sais..."
Sérieusement ?! Parce qu'il me croit assez idiote pour venir à l'Académie dans un en étant aussi malade ? Je devrais lui expliquer ce qui s'est passé mais je me sens trop mal. Je décide tout de même de lui baragouiner quelque chose :
-Le livre, m…moi dedans, mauvais re…retour, effet secondai…"
Je ne réussi pas à achever ma phrase (si on peut appeler ça une phrase) et reperd conscience, terrassée par mon mal de tête et ma nausée.

 Lorsque je reviens à moi, je suis toujours portée par mon prof, qui est livide : je dois vraiment être dans un sale état ! À moins que ce sois ma superbe explication de tout à l'heure qui lui ai fait peur.
Je me sens bizarre : j'ai toujours la nausée, des frissons et un violent mal de tête mais ça me semble lointain, j'ai l'impression de flotter dans une sorte de ouate, toutes mes sensations sont étouffées. Je me met alors à délirer :
-J'suis encore jeune mais je vais devoir vous quitteeer… J'ai peur, dites moi que ce n'est pas mon heure… Mais pour moi tout cela semble impossible, car l'au-delà m'aspire, mon destin doit s'accomplir… Au revoir, au revoiiiiiiir… Lalalalalalalalala"
C'est une horrible chanson que j'ai du entendre quelque part il n'y a pas trop longtemps. Il vaut mieux que je n'ouvre plus la bouche, ça m'évitera de sortir d'autres inepties de ce genre. Et je n'ose même pas regarder Haine, il doit sûrement flipper comme un malade.
Je ferme les yeux, me recroqueville sur moi même et je prie très fort pour que mon calvaire ne tarde pas a s'achever !

J'aurais donné n'importe quoi pour me trouver n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui, bref, tout sauf perdue dans les couloirs, portée par un professeur qui semblait presque aussi mal que moi ! Malheureusement, c'est bel et bien impossible : Le sort s'acharne sur le pauvre corps inerte que je suis ! Après avoir crachoté ces quelques paroles d'une obscure chanson que je ne me souvenais même pas avoir jamais entendu , je tombe dans une sorte de léthargie, comme si je dormais, mais tout en étant éveillée. Le temps semble se distordre, s'étirer à l'infini, à tel point qu'un seul des pas de Haine me donne l'impression de durer plusieurs minutes. Mes sens s'exacerbent et le moindre bruit me vrille les tympans. Je perçois chaque détail de la scène, du minuscule mouton de poussière au coin du mur jusqu'au plus insignifiant accro sur le haut de mon professeur. Le monde se met alors à tourner autour de moi, les couleurs se fondent les unes dans les autres, la lumière se mélange à l'obscurité et je me sens m'éloigner de la réalité. J'essaie de m'accrocher, j'entends la voix de Haine qui marmonne quelque chose à propos de ma chanson et de ses yeux mais je ne cherche même pas à comprendre et je tombe dans un état comateux.
Un bruit importun vient me tirer du sommeil pas si désagréable dans lequel j'étais plongée. Ma tête me fais un peu moins souffrir et mon malaise semble s'être presque estompé : je serais presque comblée si mon cher professeur n'avait pas profité de ce moment de quasi-béatitude pour s'étaler au sol, m'écrasant à moitié au passage. J'étouffe un gémissement de douleur et d'exaspération : ma journée me semble déjà désespérante ? Je n'ai encore rien vu ! Parce que forcément, l'infirmière ne donne aucun signe de vie : avec le bruit qu'on a fait, si elle ne réagit pas c'est soit qu'elle a un problème, soit qu'elle n'est pas là ! Malheureusement, je pencherais plutôt pour la deuxième option : je crois que je n'ai pas fini d'en voir des vertes et des pas mûres  ; j'ai quelques doutes sur les talents médicinales de mon "sauveur". Je me dégage de la masse que représente Haine et tente tant bien que mal de me relever. Sans prendre garde à sa réaction, je m'agrippe au rebord d'une étagère : il est grand temps que je réussisse enfin à marcher toute seule. En effet, je trouve qu'être portée par mon professeur n'est pas un moyen de locomotion des plus sûrs ! Mais forcément, c'aurait été trop simple : je tiens debout, à condition de m'accrocher à cette étagère comme à une bouée de sauvetage, si je lâche c'est la noyade. Bref, je suis bonne pour être à nouveau secourue par Haine : ça promet ! Comme si je n'étais pas assez mal, la nausée choisie ce moment pour m'attaquer violemment : c'est sûrement la hauteur qui me donne le vertige =(. Je suis comblée ! Avec un peu de chance je vais même réussir à perdre totalement la boule ! De toute façon, j'en ai par dessus la tête : j'abandonne. Et dans un soupir désespérément rageur, je lâche l'étagère et m'effondre. Je n'ai plus qu'à espérer que mon prof se décide à m'aider un peu plus efficacement !